Comment développer son empathie pour prévenir les conflits ?

L'empathie, un outil pour prévenir les conflits ?

Dans la communication interpersonnelle, l’empathie peut s’avérer être une qualité centrale pour prévenir et gérer les conflits et pour un meilleur vivre ensemble.

S’inspirant du Danemark, les écoles françaises expérimentent les cours d’empathie depuis la rentrée 2024 en l’inscrivant dans les savoirs fondamentaux de l’école. 

Qu’est-ce que l’empathie ? Est-ce bon d’avoir de l’empathie ? Comment la développer ?

Dans cet article, nous allons tenter de répondre à ces questions.

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Connaitre

Empathie, sympathie, compassion

L’empathie est la capacité de se mettre à la place de l’autre, de ressentir ce que l’autre ressent sans pour autant s’approprier la situation de l’autre.

La sympathie est la capacité à comprendre les sentiments de l’autre (sans pour autant les ressentir). Il implique une relation d’accord, de partage de valeurs ou sentiments, qui peut mener à des comportements altruistes associés à la promotion du bien-être de l’autre. En bref, on ne peut ressentir de la sympathie qu’auprès de personnes avec qui nous éprouvons une affinité sociale ou groupale.

La compassion est la capacité à percevoir la souffrance d’autrui avec une volonté de la soulager.

La pitié est le sentiment d’affliction que l’on éprouve pour les maux et les souffrances d’autrui. Contrairement à la compassion, la pitié n’implique pas d’intersubjectivité et ne conduit pas forcément à une action visant à soulager cette souffrance.

Le point commun de ces termes est la prise en considération de l’autre et de ce qu’il peut ressentir.

Des exemples pour bien comprendre

Concrètement, comment se manifestent
l'empathie, la sympathie, la compassion et la pitié ?

Situation 1

Vous croisez une personne démunie dans la rue. Elle vous demande 2 euros mais vous n’avez pas de monnaie sur vous.

  • Réaction de pitié :

Dans votre tête : « Oh le pauvre. »

  • Réaction d’empathie :

Dans votre tête : « Ça doit être tellement difficile de demander de l’argent dans la rue. Et puis, personne ne lui répond. Il doit se sentir ne pas exister car tout le monde l’ignore. Je peux comprendre qu’il devienne aigri… »

  • Réaction de sympathie

Dans votre tête : Je ne sais pas ce que c’est que de se retrouver dans la rue mais je n’aimerais vraiment pas être à sa place.
A la personne : Je n’ai pas d’argent sur moi mais je peux peut-être vous acheter quelque chose à manger ou rester discuter avec vous.

  • Réaction de compassion :

Dans votre tête : Il faut absolument que je trouve une solution pour lui. Il ne peut pas rester dans la rue ce soir par ce froid.
A la personne : Connaissez-vous cette association ? Elle peut vous aider à vous trouver un hébergement ou vous offrir un repas chaud.

Situation 2

Votre enfant se fait harceler à l’école.

Réaction de pitié :

C’est vraiment dur pour lui. En plus il n’a pas de camarade pour l’aider à surmonter ça.

Réaction d’empathie :

Je comprends pourquoi il est si mal et qu’il se referme sur lui-même. Aller tous les jours à l’école doit vraiment être un source de souffrance. Il doit se sentir démuni.

Réaction de sympathie:

C’est inadmissible ! Nous allons aller voir les responsables de l’établissement. Et si rien n’est fait, nous allons porter plainte !

Réaction de compassion :

Je sais que tu ne te sens vraiment pas bien. Que puis-je faire pour t’aider à aller mieux ? Veux-tu aller faire un tour ? Aller voir un psychologue pour t’aider à gérer la situation ? Changer d’établissement ?…

Situation 3

Votre supérieur critique ouvertement le travail d’un collègue.

  • Réaction de pitié :

Dans votre tête : « Oh la la, il en a pris plein la figure. Je n’aimerais pas être à sa place. »

  • Réaction d’empathie :

« Je te comprends. En plus le dire à la réunion doit ajouter du mal-être. Il aurait quand pu le dire en face-à-face. Tu dois ressentir de la frustration après tout l’investissement que tu as eu. Après, je comprends pourquoi le chef lui a dit ça mais il aurait pu le dire autrement. »

  • Réaction de sympathie

« C’est injuste ce qu’il a dit ! Il faut aller voir le syndicat pour en parler ! En plus, ce n’est pas la première fois qu’il se comporte comme ça avec un de nos gars ! On est avec toi !« 

  • Réaction de compassion :

« Ça te dit d’aller voir un café après le travail pour discuter de ça ou pour te changer les idées ?« 

Pour mieux communiquer,
nous devons considérer que
chacun perçoit le monde à sa manière.

Denis St-Pierre
Des conseils pour mieux communiquer

Sympathie, empathie, compassion
est-ce toujours bon ?

Pourquoi être empathique ?

Une modification positive du réseau neuronal

« Chaque expérience relationnelle va modifier en profondeur les molécules cérébrales, les neurones, leurs connexions, les structures des circuits cérébraux et même l’expression de certains gènes. Une relation empathique, aimante, soutenante est la condition fondamentale pour permettre au cerveau d’évoluer de manière optimale ». Dr Catherine Gueguen

Cette modification permet à celui qui reçoit l’empathie de mieux réguler ses émotions. Par l’acte d’empathie, l’émetteur apprend aussi à mieux connaitre ses propres émotions.

Des bénéfices relationnelles et sociaux

  • Renforcement des relations interpersonnelles : L’empathie favorise des relations plus profondes et plus significatives avec les autres en facilitant la compréhension et la connexion émotionnelle.
  • Amélioration de la communication : Comprendre les émotions et les perspectives des autres permet une communication plus efficace et empathique, réduisant les malentendus et les conflits.
  • Promotion du bien-être mental et émotionnel : Recevoir de l’empathie de la part des autres peut réconforter et soutenir dans les moments difficiles, réduisant ainsi le stress et favorisant le bien-être émotionnel.
  • Développement de compétences sociales : L’empathie renforce les compétences sociales en encourageant la coopération, la compassion et la résolution constructive des conflits.
  • Encouragement de comportements prosociaux : Les individus empathiques sont plus enclins à aider les autres, à faire preuve d’altruisme et à s’engager dans des actions bénéfiques pour la société.
  • Amélioration du leadership : Les leaders empathiques sont plus aptes à comprendre les besoins et les motivations de leur équipe, favorisant ainsi un environnement de travail positif et productif.
  • Réduction de la stigmatisation et de la discrimination : L’empathie permet de voir au-delà des différences et des préjugés, favorisant l’inclusion sociale et la compréhension mutuelle.
  • Moteur motivationnel et décisionnel : L’empathie émotionnelle peut, en outre, jouer un rôle motivationnel que n’a pas l’empathie cognitive. Les émotions sont de puissants moteurs dans la prise de décision et le passage à l’acte.

L’empathie permet une meilleure compréhension de l’autre et aussi de soi et ainsi peut prévenir et réduire les conflits mais aussi les désamorcer car :

  • elle réduit le sentiment d’isolement et de stress
  • elle permet de mieux comprendre l’autre
  • elle aide à réduire les préjugés sur l’autre
  • elle augmente les sentiments positifs car l’autre se sent écouté et considéré
  • elle permet de clarifier les idées, les pensées, les attentes
  • elle permet de considérer d’autres perspectives et ainsi trouver une solution pour sortir du conflit.

Quand l'empathie devient problématique

La manipulation

Le psychiatre Serge Tisseron distingue 3 étages de l’empathie :

  • l’empathie émotionnelle (ou affective) : Je vois que tu es content sans pour l’autant l’être moi-même.
  • l’empathie cognitive : Je vois que tu es content et je comprends pourquoi, même si je n’aurais pas réagi de la même manière.
  • l’empathie mature qui, lorsqu’elle est partagée avec autrui, devient réciproque : Je vois que tu es content, je comprends pourquoi et à ta place, je le serai aussi. L’empathie mature combine les deux première. C’est la capacité de se mettre émotionnellement à la place de l’autre.
Il ajoute une 4e étage : l’empathie réciproque
« C’est notre capacité non seulement de nous mettre à la place d’autrui, mais aussi d’accepter que l’autre se mette à la nôtre, ressente ce que nous ressentons, comprenne ce que nous pensons. »
 
L’empathie cognitive peut donner un pouvoir de manipulation car elle permet de comprendre les émotions des autres sans pour autant les ressentir soi-même. Elle est très utilisée pour influencer des opinions, recruter dans des mouvements, réciter des fonds… en manipulant l’empathie affective des interlocuteurs.

La fatigue d’empathie

Comme pour tout, la compassion a des limites. 

Lorsqu’on ressent de l’empathie pour la souffrance d’une autre personne, cela active les régions du cerveau liées aux émotions négatives. Si nous ne parvenons pas à établir des limites claires ou à réguler, voire inhiber, nos propres émotions, la frontière entre notre propre douleur et celle des autres peut s’atténuer, entraînant une « contagion émotionnelle« . Cela nous plonge dans la détresse et rend difficile le fait de maîtriser nos émotions. Nous pouvons alors ressentir le besoin de nous détacher émotionnellement, de nous engourdir ou de détourner le regard. 

Cela dépend aussi de notre capacité à recevoir les émotions négatives à un instant T, de maitriser sa « propagation » en nous et l’intensité et la fréquence à laquelle nous sommes soumis aux émotions négatives. Nous avons tous des hauts et des bas et avons besoin d’un précieux équilibre entre le positif et le négatif.

La fatigue compassionnelle

La compassion est, en revanche, associée à l’activation des régions du cerveau liées aux émotions positives et aux actions bienveillantes.

La dimension active de la compassion nous permet de séparer notre système émotionnel de celui des autres et de reconnaître notre individualité distincte. Nous ne sommes pas contraints de partager leur souffrance lorsque nous en sommes témoins.

De plus, la volonté d’apporter une aide nous procure une expérience émotionnelle positive et gratifiante.

Cependant, la compassion a aussi ses limites. La fatigue compassionnelle est une forme de burn-out qui peut affecter les professionnels du secteur de la relation d’aide. Elle résulte d’une exposition prolongée à un état de stress résultant du sentiment d’impuissance, d’inutilité des actions.

Notre compassion nous pousse à vouloir apporter de l’aide pour réduire la souffrance de l’autre. Mais le contexte fait que nous ne sommes pas en capacité d’apporter les bonnes solutions et sont donc confrontés à notre propre limitation.

La fatigue compassionnelle peut affecter tous les métiers de la relation d’aide : soignants, policiers, professeurs, thérapeute, accompagnant… mais aussi tous les individus ayant une compassion très développée.

Imaginez alors le combo chez les individus ayant une forte empathie et compassion !

Des conseils pour mieux communiquer

Comment développer l'empathie ?

Lire des romans

Les livres de fictions permettent de développer l’empathie.

Selon une étude menée par  Raymond A. Mar et son équipe, les habiletés sociales et l’empathie sont plus développées chez les lecteurs de fiction que chez les lecteurs d’ouvrages non-fictionnels.

Nous pouvons alors nous poser une question : Est-ce la lecture qui développe l’empathie ou est-ce les personnes plus empathes qui sont plus lecteurs des livres de fictions ?

David Herman, souligne l’impact des récits sur notre intelligence sociale et émotionnelle en mettant en lumière leur capacité à enrichir notre compréhension du monde. Selon lui, les récits nous offrent une perspective pour donner un sens à nos propres expériences, à tisser des liens de causalité entre les événements vécus, à reconnaître des schémas relationnels et à structurer notre vécu émotionnel. Cette capacité narrative stimule notre empathie en nous permettant de nous immerger dans les expériences et les émotions des autres, renforçant ainsi nos liens humains et notre capacité à comprendre le monde qui nous entoure.

Suspendre le jugement

Il ne s’agit pas de vous, mais de lui.

Que vous soyez d’accord ou non sur ce qu’il dit, la manière dont il dit, pourquoi le le dit… l’empathie demande de mettre le jugement entre parenthèse. Il n’est pas question de vous ici mais de ce que l’autre, de ce qu’il vit, ressent, traverse… En mettant votre « moi » de côté et en suspendant le jugement, vous allez être davantage en mesure de comprendre ce qu’il essaie vraiment de communiquer pour apporter une aide plus efficace. De plus, ne se sentant pas jugée, la personne se sentira plus libre d’exprimer pleinement ses difficultés ou son problème.

Mettre des mots aux maux

« Savoir entretenir de bonnes relations avec les autres, c’est en grande partie savoir gérer LEURS émotions. » – Daniel Goleman

Selon le psychologue Jacques Lecomte, une émotion est « une réaction de l’organisme à un événement extérieur, et qui comporte des aspects physiologiques, cognitifs et comportementaux ». Celles-ci surgissent brusquement et ne sont ni volontaires, ni raisonnées. Elles servent de fonction d’alarme et nous sont nécessaires. Ils est donc important de pouvoir les identifier et de leur mettre des mots.

Paul Ekman, psychologue spécialisé dans les émotions, a identifié six émotions de base : la joie, la tristesse, le dégoût, la peur, la colère et la surprise. A ces six émotions de base, s’ajoutent les émotions secondaires constituées de plusieurs émotions de base. Par exemple, la honte est un mélange de peur et de colère (envers nous-même).

Les émotions nous affectent de manière plus ou moins positive et se manifestent de manière plus ou moins intense. Dans certains cas, nous pouvons aussi ressentir des émotions opposées simultanément : joie et tristesse en même temps.

Les situations sont individuelles mais les émotions sont universelles. Peut-être n’avez vous jamais été confronté à la situation de l’autre, peut-être avez-vous du mal à comprendre ce que l’autre vit. Mais vous pouvez accéder à ce qu’il ressens car vous avez vous-même été confronté aux émotions qu’il est en train de vivre. Peu importe la raison, nous avons tous expérimenté le sentiment de colère et que les réactions des autres face à celle-ci peuvent alimenter le feu ou au contraire, l’apaiser.

Demandez à l'autre quel type réponse attend-il de vous

Il n’est pas toujours facile de trouver la bonne posture ou la bonne réponse. Demandez simplement de quoi il a besoin.

Pour différentes raisons, il se peut que vous ayez du mal à identifier l’émotion que la personne ressent ou à savoir quelle réponse apporter. Demandez-lui explicitement avec calme et bienveillance !

Ex : Vous voyez que votre ami/enfant/conjoint… ne va pas bien. Cela peut se manifester en cris, en reproches, en pleurs, en morosité…

Ce que vous pouvez demander :

  • « Ça n’a pas l’air d’aller. Est-ce que je peux faire quelque chose qui t’aiderait à aller mieux ? De quoi tu as besoin ? De conseils, d’un câlin, que je te laisse seul… ? Qu’as-tu besoin d’entendre ?« 

Si la personne ne sait pas ou vous en demande trop par rapport à ce que vous êtes en capacité d’apporter à cet instant T, prenez de la distance : 

  • « J’ai vraiment envie que tu ailles mieux et c’est ce que je te souhaite. Mais je ne suis pas en capacité d’apporter l’aide dont tu aurais besoin maintenant et j’ai peur de nous faire plus de mal que de bien. »
  • « Tu as l’air de traverser une période difficile et je veux t’aider. Mais j’en ai pas mal sur les épaules, et j’ai besoin de me préserver. Est-ce que je peux t’aider à aller chercher l’aide dont tu as besoin? »

SOURCES :

  • Zielinski, A. (2009). La compassion, de l’affection à l’action. Études, 410, 55-65. https://doi.org/10.3917/etu.101.0055
  • Tisseron, Serge. « Les dérives de l’empathie », L’école des parents, vol. 623, no. 2, 2017, pp. 7-11. https://www.cairn.info/revue-l-ecole-des-parents-2017-2-page-7.htm#no4
  • Tisseron, Serge, et Henri-Pierre Bass. « L’empathie, au cœur du jeu social », Le Journal des psychologues, vol. 286, no. 3, 2011, pp. 20-23.
  • de Vignemont, Frédérique. « L’empathie, des réponses aux questions majeures », Le Journal des psychologues, vol. 286, no. 3, 2011, pp. 16-19.
  • Psychologie.net (2022) https://www.psychologue.net/articles/lextraordinaire-pouvoir-de-lempathie
  • Hamel, Mireille. La pédagogie de l’empathie et son impact sur les apprentissages en ligne, 2019/02/27

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A propos de l'auteur

CÉCILE MINAUD - Créatrice de Communicapolis

Consultante, Formatrice, Médiatrice en communication interpersonnelle

J’aide les personnes à améliorer leur communication avec les autres dans leurs relations professionnelles et personnelles pour mieux collaborer, vivre ensemble et développer des relations saines & harmonieuses.

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